Justinember 2022

Justine CM, une autrice adorable dont j’avais lu le tome 1 d’Evana (la chronique a disparu, j’essaie de la retrouver), a créé en ce mois de novembre le Justinember.

Ce challenge d’écriture consiste à écrire en s’inspirant de deux listes (une de thèmes et une de mots à placer) qu’elle a imaginées et qui sont disponibles sur son site.

Je vais essayer (j’insiste sur ce dernier terme) de participer au challenge, moi aussi, en vous faisant découvrir l’univers de Circé. Cet univers de SF, c’est un gros projet sur lequel je planche depuis quelques temps, maintenant. Et curieusement, alors que j’étais partie pour des textes qui n’avaient rien à voir les uns avec les autres, je me suis sentie inspirée.

Retrouve dès lors ici mes textes.

Jour 1.

Thème : Le renouveau – mot placé : craquement

Le tonnerre grondait encore, bien qu’il s’éloignait. Il se tenait au-dessus de rochers gigantesques, vestiges d’une chaîne de montagnes autrefois célèbre. Une averse arrosait une plaine désolée où les racines des arbres avaient été arrachées de la terre par un vent violent. Ce dernier s’était mis à souffler dès que la tempête s’était levée. Ensemble, ils avaient tout balayé sur leur passage, ne laissant que ruines et dévastation derrière eux. La mort avait frappé à toutes les portes, emportant chaque être vivant vers son royaume.

À présent, il ne restait plus que le silence qui remplaçait peu à peu le clapotis des dernières pluies, le bruissement léger des quelques feuilles survivantes, le crépitement des flammes scintillant sur la terre où eau et feu s’étaient affrontés.

Ce silence sembla durer des jours. Des semaines. Des années. Puis il y eu un craquement. Léger, presque imperceptible. Une faille couru sur le sol aride, dépourvu de toute végétation. Plus un être vivant ne respirait sur cette planète abandonnée. À moins que… ?

Là, de cette faille, parmi les cailloux agités par les tremblements du sol, sortit ce qui ressemblait à une paire d’antennes. Celles-ci étaient raccordées à une tête pourvue de deux gros yeux dont l’iris noir nageait au milieu d’un océan de bleu. La tête fut accompagnée d’un corps. Petit et de forme ovale, il était parsemé de rayures vertes et rouges. Deux ailes aussi fines qu’elles en parurent transparentes, frémissaient sous une brise légère.

La créature se mit à observer ce nouvel environnement. Curieuse, elle préféra cependant ne pas s’aventurer trop loin sur cette terre inconnue. Aussi fit-elle demi-tour pour revenir ensuite. À ses côtés, des dizaines, puis des centaines de créatures identiques, si bien qu’on ne pouvait plus distinguer celle qui avait foulé la terre en premier, s’avancèrent parmi une nature qui semblait avoir enfin repris ses droits.

Jour 2.

Mot placé : fusion

Le soleil ne brillait plus sur la surface du monde. Seuls quelques rayons de son étoile jumelle illuminaient une minuscule zone inhabitée. C’était d’ailleurs le seul endroit où l’on pouvait apercevoir de la végétation sur cette planète morte. Plus rien ne vivait ni ne mourait. Tout avait disparu en même temps que Némésis. L’étoile la plus brillante de toute la galaxie avait finit par mourir, emportant avec elle toute forme de vie. Ne restait à sa place plus qu’un trou noir.

C’est ainsi que disparut la civilisation la plus ancienne de la galaxie de Circé. Le peuple de la planète Astrée n’était plus. Au fil des ans, la planète hérita d’un nouveau nom, un nom qui en fit frémir même les plus téméraires. Une appellation née de la fusion de la mort avec la peur qui imprégnait ces lieux à présent désertés : PHOBOS.

Jour 4.

Thème : La couleur bleue

Héméra se situait au cœur des entrailles de la froide planète Chioné. Septième planète de la galaxie de Circé, ce monde était entièrement recouverte de neige et de glace traversée de centaines de fleuves, mers et océans d’une eau aussi turquoise que transparente, si bien que l’on pouvait y apercevoir différentes espèces de poissons de toutes les couleurs et de toutes les tailles. Sa froideur rendait l’air si peu respirable que les Chions vivaient dans des citées construites sous la glace. Un labyrinthe de galeries reliait différentes salles aussi hautes que larges. Les murs de glace ressemblaient à une cyanite géante, où se mélangeaient un ciel bleu clair à outremer, et dans laquelle on aurait creusé un monde. 

Théa, Reine d’Héméra, arpentait les immenses galeries de son royaume, plus grande puissance de la planète. Sa peau claire et ses longs cheveux argentés contrastaient avec la nuit qui brillait dans ses iris. Elle avançait d’un pas lent mais assuré. Un voile d’inquiétude ternissait son regard tandis qu’elle digérait la terrible nouvelle qu’elle venait d’apprendre. Astrée, la splendide planète aux étoiles, n’était plus. Elle avait disparu en même temps que son soleil. 

Elle leva les yeux vers le ciel azur qui surplombait le dôme de la salle du trône. Théa se souvint que ses ancêtres en avaient exigé la construction afin de pouvoir toujours admirer le ciel et les étoiles. Il existait d’ailleurs un dôme pareil à celui-ci dans chaque royaume de Chion. Mais Théa n’avait pas le temps de s’attarder. Ses conseillers l’attendaient, rassemblés autour de la lourde table sculptée directement dans un énorme bloc de glace. Tous arboraient un air grave. Car le trou noir formé suite à la mort de Némésis représentait une menace pour chaque planète de la galaxie. 

Jour 5.

Mot placé : veinures

Lénore passait de longs doigts fins sur les veinures de la table en marbre, heurtant les failles qui déchiraient la pierre par endroits. Elle était songeuse depuis quelques temps. La lumière des étoiles éclairait son visage dont les yeux bleus comme le ciel de jour arboraient un air sombre. Cela faisait plusieurs jours qu’une navette marquée d’un seau qu’elle croyait autrefois disparu s’était écrasée dans les montagnes de Borée.

Située au Nord de Séléné, la cité secondaire de Borée abritait les seules montagnes de la planète la plus somptueuse de la galaxie. L’on y extrayait les pierre blanches qui composaient les bâtiments et autres ponts de Séléné. La cité n’était habitée que par les ouvriers en charge de travailler la roche. Des ingénieurs s’y rendaient parfois pour donner des consignes dur la construction d’un nouveau bâtiment ou la rénovation d’un ancien. Après tout, Séléné rimait avec majestuosité. Il ne devait dès lors y avoir aucun défaut visible sur les façades de la capitale où se trouvait le siège du Haut Conseil de Séléné.

Ce dernier s’y était rassemblé après « l’accident » et débattait à présent sur la nécessité ou non d’en informer les Séléniens.

Jour 6.

Mot placé : myriade

Milo était sorti prendre l’air. Sa première journée de cours à l’Académie universelle de Séléné l’avait épuisé et fasciné en même temps.

Thélios, leur professeur d’astronomie, leur avait montré une carte de l’Univers, jusqu’aux frontières formées par le néant, situé juste derrière Eos. « On ignore ce qu’il y au-delà de notre soleil. » avait-il répondu lorsqu’Artémis, une élève Pan, lui avait posé la question. Les élèves s’étaient surtout fascinés par l’immense tache noire qui se dessinait au nord de la galaxie, sujet que Thélios avait éludé en désignant une galaxie située à l’opposé de Circé. Milo, quant à lui, s’était passionné pour l’astronomie lorsqu’il n’avait que cinq années, si bien qu’il en connaissait déjà le nom : Voie lactée. Sa forme en spirale, composée d’une myriade d’étoiles, l’hypnotisait. L’après-midi, ils avaient eu leur premier cours d’éducation physique et autant dire que le sport pour Milo s’avérait une épreuve pour le gamin gringalet qu’il était.

Tandis qu’il fixait le ciel étoilé, assis seul dans le parc de l’Académie, nommant chaque point qui luisait au-dessus de lui, un son semblable à une explosion le fit sursauter, si bien qu’il manqua tomber de son banc. Les yeux toujours levés, il tourna la tête sur sa gauche pour apercevoir une boule de feu aux couleurs rouge-orangé, traversée par des teintes jaunes comme Eos. La boule déchira le ciel avant d’aller s’écraser plus loin au nord, là où aucun citoyen lambda ne pourrait y accéder.

Jour 7.

Mot placé : rubicond

Le moteur s’arrêta dès que la navette toucha le sol. Les portes s’ouvrirent et deux hommes vêtus d’une combinaison noire, le symbole d’un croissant de lune ornant leur épaule gauche, en descendirent. Entre eux avançait un homme. Grand, les épaules larges, il portait une tenue bleu ciel. Ses bottes noires s’enfonçaient dans la boue qui s’étendait sous ses pieds. Un cri au loin les fit sursauter. Les deux gardiens qui l’accompagnaient laissèrent l’inconnu sur place, firent demi-tour et retournèrent à leur navette qui s’éleva à toute vitesse et disparut dans la galaxie. 

D’autres hommes, vêtus de tenues similaires à la sienne approchèrent, certains tenant ce qui ressemblait à des tuyaux métalliques. Aucun soleil ne brillait ici, sur Enyo. La planète qui accueillait la prison galactique baignait dans une obscurité quasi-absolue depuis la mort de Némésis. Seule Limos, la cité située au sud bénéficiait d’une légère clarté de la part d’Eos. 

Le nouveau venu aux joues rubicondes à cause du feu qu’il avait l’habitude de travailler sur Pan, avait bien sûr, entendu parler d’Enyo. Plutôt que d’enfermer les criminels jugés par le Tribunal galactique, l’on préférait les abandonner à leur propre sort. Chacun devait se battre pour imposer sa place, quant aux plus faibles, ils préféraient rester cachés, à l’abri dans les ruines de petits bâtiments, jamais ou peu visités. 

Dans ce monde où régnait l’anarchie, seule la loi du plus fort s’appliquait. Pour le moment. 

Jour 8.

Mot placé : constellation

Les étoiles formaient, dans le ciel de Borée, la splendide constellation d’Azura. La flèches que les points lumineux dessinaient étaient parfaitement visible depuis le lieu du crash, si bien que les gardiens l’admiraient à coups de « Ouah ! » et de « C’est tellement beau ! » Ezekias, Conseiller-Juge de Séléné, leva les yeux au ciel avant de rappeler ses hommes à l’ordre. Ces derniers, sous la menace du chef des gardiens, s’excusèrent avant de retourner vers les débris de la navette qu’ils devaient protéger. 

Des mécaniciens s’affairaient autour, ramassant des morceaux métalliques aussi sombres que la nuit était noire. Des ingénieurs étudiaient, quant à eux, le site, examinant jusqu’au moindre détail les dégâts que l’impact avait causés. Et puis, il y avait Ezekias. Cet homme de quarante années avait repéré quelque chose sur une place qui constituait la navette, un symbole resté intact et que jamais il n’aurait cru revoir… Un cercle noir entouré d’une aura rouge comme le sang.

Jour 9.

Thème : Lire

La Grande Bibliothèque de Séléné se situait à Nyx, en plein cœur de la capitale. L’on pouvait y retrouver absolument tous les ouvrages de la galaxie, ainsi que des récits racontés par les explorateurs qui s’étaient aventurés en dehors de Circé. C’était d’ailleurs ce qui avait poussé Milo à s’inscrire à l’Académie. Devenir Explorateur, partir à la découverte d’autres galaxies, de nouvelles planètes ou encore de civilisations encore jamais rencontrées.

Ses yeux parcouraient la carte de la Voie lactée, dont la forme, un voile blanc parcouru des millions de points lumineux, l’hypnotisait. C’était là son but ultime, SA destination, là qu’il rêvait d’aller depuis qu’il avait reçu son premier livre d’astronomie de la part de ses parents. Ses yeux parcouraient le livre qui abritait la carte, les mots se succédant sur les pages qu’il feuilletait. Installé là, par terre, entre les rangées de livres de la section Astronomie, Milo s’était créé un refuge où il pouvait dévorer chaque ouvrage. 

La Grande Bibliothèque de Séléné était son sanctuaire. 

Jour 11.

Mot placé : Vespérale

C’était dans une clarté vespérale que Milo regagna sa chambre à l’Académie. Serrant ses bras contre sa poitrine, il avançait rapidement mais discrètement. Il espérant ne croiser personne, en particulier Ulysse qui l’interrogerait sans doute sur la raison de son absence en cours d’éducation physique cet après-midi. Et Milo n’avait aucune envie de lui révéler qu’il avait manqué la leçon d’Hercules à cause d’un livre. Le livre qu’il tenait dans ses bras. 

L’ouvrage, si épais qu’il dû le prendre à deux mains, lui était tombé sur la tête comme une pomme tombait d’un arbre, l’assommant presque, formant une bosse sur le sommet de son crâne certainement. Le doré du titre contrastait avec la couverture noire sur laquelle il reposait. Mais ce qui avait sursauté intrigué Milo, ce fut le symbole dessiné dans le coin inférieur droit du livre : un disque noir entouré d’un halo de couleur rouge, comme le sang. PHOBOSmonde perdu ou monde nouveau ? avait-il lu avant de finalement l’ouvrir à la première page. 

Milo s’était alors laissé emporté par sa lecture, oubliant le reste de ses leçons pour la journée. Ce fut comme si, soudainement, le temps s’était arrêté. 

Jour 12.

Thème : L’angoisse – mot placé : Obombrer

Tout commença avec le silence. Un silence pesant qui alourdissait l’atmosphère déjà suffocante. Des nuages noirs obombraient les plaines verdoyantes, les plongeant dans une obscurité glaçante. Le soleil avait disparu, chassé par les ténèbres qui avaient envahi la planète. L’on n’entendait plus un bruit et la terreur se répandit parmi la population mondiale à la vitesse d’une étoile filante. Les plus petits animaux s’étaient réfugiés sous terre tandis que les plus imposants cherchaient désespérément un abri. Tous regardaient le ciel qui se parait d’une couverture noire et épaisse. Un air froid prit possession des lieux, telle la Mort qui annonçait sa venue. Elle qui avait si longtemps attendu, la voilà qui était prête à emporter les âmes des malheureux qui se tiendraient sur son chemin. Le temps s’était arrêté, de même que les cœurs avaient soudainement cessé de battre. 

Le jour venait de s’éteindre pour la dernière fois sur Astrée, laissant place à une nuit éternelle. 

Publicité

La nuit secrète de Halloween

Dans une petite ville dont nous tairons ici le nom afin d’éviter que les touristes ne l’envahissent soudainement, Halloween a un goût particulier. Si les trois cent soixante-quatre autres jours de l’année sont plutôt calmes, la nuit du trente-et-un octobre est plutôt agitée.

Mais n’allez pas croire que cette effervescence est causée par les enfants qui, sous l’apparence de monstres et autres créatures étranges, réclament des bonbons en frappant aux portes du voisinage. Ni par les adolescents qui frémissent devant un bon film d’horreur, regardé jusque tard dans la nuit. Ni même à cause de quelques courageux qui, pour relever un défi insensé, s’aventurent dans l’obscurité du cimetière pour s’y raconter les légendes les plus terrifiantes.

Non. La nuit d’Halloween est bien plus particulière. Car à la nuit tombée, lorsque sonnent les douze coups de minuit et que les enfants sont endormis, squelettes, fantômes et autres sorcières prennent vie. Les arbres aux feuilles tombantes se dénudent complètement tandis que leurs troncs noircissent sous la mort qui les enveloppe. Le sol disparaît sous la fine brume qui se répand lentement dans la ville.

Alors que la Lune se dresse haut dans le ciel, des créatures mi-hommes mi-chiens quittent leur tanière, hurlant à la nuit pour rassembler leurs congénères. Discrètement, émergent de sous la terre, des vampires aux lèvres retroussées, laissant apparaître des canines d’une blancheur aveuglante. Les yeux rouges et affamés, ils observent ces jeunes insouciants, se délectant de l’odeur de leur sang.

Les rues commencent à se remplir peu à peu de créatures toutes aussi étranges et terrifiantes les unes que les autres. Toutes se rassemblent sur la grande place de la ville, se retrouvant après ces douze mois de sommeil et d’attente. Au milieu, trône un gigantesque chaudron noir en fonte dans lequel bout un curieux liquide vert et visqueux. Des bulles s’en échappent, si épaisses qu’elles disparaissent dans les airs.

Parmi la foule, se tient Skat, sans doute le squelette le plus connu de la ville. Son chapeau haut-de-forme et sa redingote lui donnent l’allure d’un gentleman anglais. Il discute avec Loke, un autre squelette dont le crâne a été remplacé par une citrouille au visage creusé pour lui donner un air effrayant.

Soudain, un homme dans une drôle de tenue ressemblant à un tablier de scientifique, se fraie un chemin jusqu’au chaudron. Il tient sa tête dans une main, saluant les convives de l’autre. C’est le Maire de l’Outre-Monde. Il grimpe sur l’estrade, posant sa tête sur le pupitre à ses côtés. Ses cheveux en pétard et ses lunettes d’aviateurs posées sur son crâne, il sourit à son public. Son discours de bienvenue est aussi bancal que sa démarche. Mais il ne tient pas son audience en haleine plus longtemps car les festivités sont sur le point de commencer.

Les nombreux invités se pressent jusqu’au chaudron pour goûter la célèbre potion de Possée, la sorcière au nez crochu et aux longs cheveux gris et filasses. Malgré son aspect rebutant, Possée est une gentille sorcière. Elle ne dévore généralement que les orteils des enfants qui n’ont pas été sages durant l’année écoulée – bien évidemment, ceci n’est qu’une des nombreuses histoires racontées aux enfants pour les effrayer. Sa potion, cependant, reste un mystère. Malgré les siècles, Possée a toujours refusé d’en dévoiler ses ingrédients, même à Skat et son charme légendaire.

La fête bat son plein. Au buffet, le sang coule à flot et certains vampires ont du mal à rester debout. Il faut dire qu’après une année à dormir, ils sont affamés. Une momie essaie désespérément de récupérer ses bandes, volées par des enfants zombies qui filent se cacher dans le cimetière, tandis que des loups-garous s’affrontent dans un combat sanglant dont personne ne semble se soucier, à l’exception de leurs meutes respectives, installées sur des gradins de fortunes pour les encourager.

Pendant ce temps, Skat et Loke bavardent tranquillement, installés dans un coin. De temps en temps, Skat fait un clin d’œil à une sorcière passant par là. Sans doute l’une de ses nombreuses amantes. Les deux amis profitent de cet instant pour parler du bon temps, riant devant la folie qui a envahi les lieux.

Mais déjà la nuit s’éteint pour laisser place à un soleil dont les rayons de l’automne pointent à l’horizon. Les arbres se revêtent de leurs feuilles aux couleurs rouge et orange, les troncs reprennent vie à nouveau. La brume disparaît sous le ciel qui se couvre de traînées roses et blanches, signe que le jour pointe son nez.

Il est temps pour les créatures d’Halloween de quitter le monde des vivants. Les loups-garous retrouvent leurs tanières, les vampires s’enfuient jusqu’au cimetière. Les sorcières s’envolent au loin et Skat, Loke et tous leurs amis s’en retournent à leur demeure.

Nous sommes le premier novembre et les habitants de la ville se réveillent dans l’ignorance totale des événements passés. Tous sauf un petit garçon qui, curieux et réveillé par un étrange bruit, avait vu Skat et ses amis avancer dans la rue. Du regard, il les avait suivis jusqu’à ce qu’ils disparaissent dans la nuit.

[Image mise en avant : Canva]

[Texte alternatif de l’image mise en avant :
Dessin d’une nuit de pleine lune et d’une sorcière accompagnée d’une chauve-souris volant dans la nuit]

Le vieillard et le banc

Il y avait ce vieil homme, assis sur un banc. Je le voyais tous les jours car chaque matin, j’allais courir dans le parc à côté de chez moi. Enfin, courir était un bien grand mot, je passais surtout plus de temps à marcher. Mais l’air frais du matin me faisait du bien. Enfermée toute la journée dans mon petit appartement, occupée à travailler sur mon roman, ou pour l’un ou l’autre client, mes promenades matinales étaient synonyme d’évasion pour moi. Bref. Revenons-en à cet homme et son banc. Blanc (le banc, pas le vieillard dont la peau du visage était néanmoins parsemée de taches de vieillesse foncées et de rides profondes, symboles de son âge avancé), il trônait fièrement au bord du parc. 

Ainsi, chaque jour, le vieil homme se posait là, sur ce banc. Deux fois par jour. Je le croisais le matin et le soir, ayant vue sur le parc depuis la fenêtre de mon salon, je l’apercevait au même endroit, les yeux rivés sur le cimetière qui lui faisait face. Il restait assis sur le bois, une heure durant. Il ne bougeait pas mais semblait entretenir une conversation silencieuse avec ses pensées car parfois, un sourire paisible s’esquissait sur son visage. L’évocation de vieux souvenirs, sans doute. Il arrivait qu’un rire franc résonne également, j’imagine lorsqu’il se remémorait un événement particulièrement amusant. Il avait l’air heureux dans ces moments-là. Puis son sourire s’effaçait et un voile de tristesse (ou de lassitude, peut-être ?) lui recouvrait le visage. 

Ce banc, curieusement, était toujours déserté lorsque le vieil homme n’y était pas installé. L’on aurait pu croire qu’une pancarte invisible marquée « RÉSERVÉ » siégeait silencieusement sur le bois blanc. Les passants l’évitaient soigneusement, comme s’il appartenait au vieil homme qui chaque jour venait et s’y posait. Cela faisait six ans maintenant qu’il suivait ce même rituel. Peu importait qu’il pleuve, vente ou neige, qu’il fasse chaud ou froid. Chaque jour, il était là. Vêtu d’un costume composé d’une chemise, un pantalon et une veste, une cravate lui serrait le cou et des chaussures de ville étaient devenues bien trop usées pour encore tenir quelques années. Mais le vieillard ne semblait guère s’en soucier. Lorsque les températures baissaient, une écharpe et un bonnet venaient compléter sa tenue, de même qu’un manteau long et des gants en laine.

Je passais tout le temps derrière lui mais un jour, je pris une décision qui allait radicalement changer ma vie. J’allai m’asseoir à ses côtés. Discrètement, je pris place sur le banc au bois si froid que j’en tremblai légèrement. Nous étions en automne. Un tapis de feuilles aux couleurs jaune, orange et rouge, s’étendait sous nos pieds. Je frottai vigoureusement mes mains dont les gants ne recouvraient pas la doigts mais ne dis rien. 

Au début, il ne me parla pas non plus. Il se contenta de me sourire pour me saluer avant de se tourner à nouveau vers le cimetière. Mais en aucun cas, je ne sentis que ma présence le dérangeait. Bien au contraire, j’avais l’impression qu’il appréciait cette compagnie, aussi silencieuse fut-elle. Alors je revins le lendemain, et le surlendemain. Nous restâmes assis là, dans le silence et le froid qui se montrait chaque jour un peu plus intense. A mesure que les semaines avançaient, le vieil homme se mit à me demander comment j’allais avant de retourner à sa conversation intérieure. D’agréables conversations naquirent au fil du temps. Nous abordions tout et n’importe quoi, de la météo au dernier fait divers qui frappait la petite ville voisine, en passant par ce roman que j’avais laissé en suspens. 

Un jour, cependant, alors qu’il lisait son journal, je pris le temps de bien l’observer. Je distinguai un trou dans sa veste de costume, sous son manteau. Un manteau abîmé, qui ne semblait même plus empêcher la pluie de s’engouffrer en-dessous. Les taches de vieillesse qui arboraient son visage apparaissaient également sur ses mains. Des mains calleuses, aux doigts longs et fins. Cet homme, aujourd’hui si frêle, avait dû être robuste autrefois. Habitué aux hivers rudes et au travail dur, je suppose. Il ne devait pas avoir beaucoup d’argent, aussi lui proposai-je chaque fois un café qu’il refusait poliment. Je jaugeais cet homme dont j’ignorais tout de la vie mais une simple phrase de sa part me fit réaliser à quel point la solitude devait le peser. 

Je lui avais demandé s’il n’avait besoin de rien. Étrangement cet homme était devenu comme un grand-père pour moi, un repère dans la confusion qu’était ma vie, une source d’inspiration — non pas pour un roman mais pour trouver le bon chemin sur lequel avancer. Lui qui voyait le positif partout, ne se plaignait jamais (en tout cas, pas devant moi), m’avait alors répondu : « Je veux la paix car peu importe où tu te trouves dans ce monde, tu ne seras jamais chez toi. »

Ces rencontres matinales devinrent mon quotidien, un quotidien auquel je n’aurais échappé pour rien au monde, allant jusqu’à refuser des rendez-vous importants pour être avec ce vieil homme. Mais j’avais dû m’absenter deux semaines durant pour le travail et lorsque je revins, il n’était pas encore présent. Je m’assis sur notre banc et j’attendis jusqu’à ce que mon café soit aussi froid que les derniers jours de l’hiver. J’attendis le lendemain également, et le surlendemain aussi. Mais il ne revint plus. 

J’appris plus tard que le vieil homme était décédé dans un sommeil paisible. Un voisin me révéla qu’il était parti rejoindre sa défunte épouse, aux côtés de laquelle il reposait, dans le cimetière qui faisait face au parc. A présent, c’était mon tour de prendre place sur ce banc blanc. Je racontais alors mes journées à cet ami qui m’avait tant apporté et il fut le premier à découvrir ce roman abandonné que j’avais fini par publier.

[Note de moi-même :
La phrase prononcée par le vieil homme est une phrase que mon grand-père maternel m’a dite la dernière fois que je l’ai vu. Elle m’a marquée tout comme lui a marqué ma vie – il en est de même pour chacun de mes grands-parents d’ailleurs. Je tenais à l’ajouter à ce texte dont le vieillard est largement inspiré de ce grand-père auquel je tenais à rendre hommage.]

La solitude de la nuit

La femme ne bougeait pas. Agenouillée sur son socle de pierre, elle écoutait le brouhaha des touristes qui défilaient par centaines sur la grande place où elle trônait. Les mains posées délicatement sur les genoux, la tête penchée légèrement vers le bas, son visage aux traits lisses affichait un sourire chaleureux. Elle gardait les yeux fermés, sans doute pour mieux entendre ces voix qui s’élevaient dans les airs, telles des bulles qu’aurait soufflées un enfant pour s’amuser. Elle était vêtue d’une longue robe qui lui couvrait les épaules et descendait jusqu’à ses chevilles, une longue tresse épaisse parcourait son dos. 

La femme ne bougeait pas. Mais elle entendait. Elle percevait chaque son, chaque mot, chaque murmure et les capturait en elle, les laissait la pénétrer. La place autour d’elle était aussi bruyante que le marché du dimanche matin. Hommes, femmes et enfants de tous les âges circulaient, se croisaient, bavardaient et s’arrêtaient à sa hauteur pour prendre l’une ou l’autre photo à ses côtés. 

La femme ne bougeait pas. Elle semblait comme figée dans le temps tandis qu’autour d’elle, la foule s’animait continuellement. Elle pouvait bénéficier d’un peu de répit lorsque la nuit tombait et que les touristes allaient se coucher. Seuls restaient quelques badauds qui profitaient du calme au clair de lune. Mais leur présence n’était bien souvent que de courte durée car une fois leurs derniers verres vidés, la dernière tournée payée, les portes se fermaient et les volaient se baissaient.

Nul ne savait depuis combien de temps elle se trouvait là sur ce socle de pierre, au milieu de cette grande place. L’on disait qu’elle avait été découverte à l’époque des grands explorateurs, lors d’une expédition au cours de laquelle deux hommes s’étaient perdus tandis qu’ils venaient de traverser mers et océans pour atteindre la limite du monde. Ils l’avaient remarquée sur une petite île, isolée de toute civilisation. Subjugués par sa beauté, ils avaient décidé de la ramener, désireux qu’ils étaient de la montrer à leur Roi, leur peuple, l’humanité. 

Bientôt, la femme se retrouva seule. Mais elle ne bougeait toujours pas. Dans cette obscurité, seuls les rayons de la Lune lui procuraient un peu de clarté. Et l’on pouvait encore distinguer les courbes délicates de cette silhouette de pierre, aussi sombre qu’un ciel d’orage et aussi solide qu’une montagne. Là, dans la nuit, elle subissait les âges, la neige, la pluie et les tempêtes, la chaleur et l’humidité. Sans jamais broncher. Et jamais personne ne se souciait de cette solitude dans laquelle elle se tenait. Jamais personn ne voyait la larme qui, chaque jour, roulait le long de sa joue, suivie d’une autre, et puis d’une autre encore. 

La femme ne bougeait pas. Et jusqu’à la fin des temps, elle restera là, agenouillée sur son socle en pierre, au milieu de cette grande place. 

[Image mise en avant : Canva]

[Texte alternatif de l’image mise en avant :
Image d’une pleine Lune au milieu d’un ciel de nuit]

Le labyrinthe du Diable

Le froid. C’est la première chose que j’ai remarquée. Glacial, il me paralysait. Ce froid était partout autour de moi. Je le sentais sur ma peau, la transperçant. J’avais l’impression qu’elle pouvait se fissurer au moindre mouvement. Ensuite vint le sol. Un sol en pierres, dur et lisse. J’avais des courbatures et le froid semblait me maintenir collée à ce sol. Je n’osais pas bouger. Ma peau allait-elle s’arracher si j’essayais de me lever ? Enfin, je réalisai pourquoi j’avais si froid ; pourquoi je sentais la pierre aussi précisément sous ma peau : j’étais vêtue d’un simple débardeur et d’un mini short de sport. Où étaient passés mes vêtements ?

 Lentement, je remuai mes orteils et mes doigts. Je répétai ces mouvements jusqu’à ce que je sente à nouveau un peu de chaleur circuler dans mon corps. Je ne pouvais pas rester là. Je devais sortir d’ici. Mais où était « ici » ? Et depuis combien de temps y étais-je ?

 Je posai une main sur le sol. Puis une autre. Mes muscles étaient tellement courbaturés que je sentais des craquements dans mes bras. Je me redressai et ramenai mes jambes vers moi pour me réchauffer. C’est alors que j’ouvris les yeux. Je fus surprise par l’obscurité de la pièce dans laquelle je me trouvais. La tête me tournait et j’avais la nausée. J’essayai de parler, d’appeler à l’aide, mais ma gorge sèche m’en empêchait. Je clignai des yeux plusieurs fois, le temps de m’habituer à cette noirceur qui rendait mon supplice encore plus terrifiant.

 Un maigre rayon de lumière filtrait à travers un trou dans le mur sur ma droite. J’eus alors une idée de la pièce dans laquelle je me trouvais. À peine plus grande qu’un placard, les murs étaient couverts des mêmes pierres qui jonchaient le sol. La fine lueur traversait ma cage pour aller se poser sur une porte noire en bois. Elle était entrouverte. Était-ce ma porte de sortie ou était-ce un piège ?

 Lorsque mon corps eut retrouvé ses sensations et que j’eus regagné un peu de force, je me levai. Je manquai trébucher sur des pierres qui sortaient du sol. Je me dirigeai d’abord vers la fente dans le mur. Elle ressemblait étrangement à une meurtrière, comme celles que l’on trouvait dans d’anciennes fortifications. Je tentai de regarder à travers, mais je ne voyais rien d’autre que l’intense lumière blanche du Soleil, sans doute la seule source de luminosité dans cette prison obscure.

 Désemparée, je compris que je n’avais plus le choix. Je devais quitter cette pièce. J’étais terrifiée à l’idée de ce qui m’attendait de l’autre côté, mais je m’enfonçai dans les ténèbres. J’avançai dans ce dédale de pierres, dans un froid toujours aussi glacial. La soif me tiraillait. Des ombres dansaient sur les murs autour de moi. Je commençais à délirer.

 J’ignorais où j’allais. Mes pieds avançaient d’eux-mêmes, suivant un chemin invisible. Mon cerveau ne semblait plus vouloir réagir. J’avançais avec l’impression d’être dans un labyrinthe sans fin. Un cri retentit soudain au loin, suivi d’un rire qui me glaça le sang. J’étais pétrifiée. Je regardai autour de moi, mais ne vis que murs et pierres. Aucune pièce où me réfugier.

 Un nouveau cri, un nouveau rire. Mes pieds refusaient de continuer. Je ne pouvais plus faire marche arrière. Je devais aller de l’avant. Je continuai alors dans ce labyrinthe infini quand je vis apparaître une lueur étrange devant moi. Elle était rouge et une chaleur inquiétante en émanait. Elle m’appelait à elle et mon corps semblait ne pouvoir résister.

 Un pied après l’autre, je m’approchai de cette lumière aveuglante. Le rire était de plus en plus fort, de plus en plus proche. Terrifiée, je plongeai alors dans ces flammes qui m’attirèrent violemment à elles. Une silhouette se dessina parmi ces teintes orange et rouge flamboyantes. Elle tendit vers moi une main que je saisis d’une main tremblante et telle une amie de longue date, elle me guida vers un destin inconnu.

[Image mise en avant : Cherry Laithang]

[Texte alternatif de l’image mise en avant :
Un bras éclairé, au centre d’un fond complètement noir]