La nuit secrète de Halloween

Dans une petite ville dont nous tairons ici le nom afin d’éviter que les touristes ne l’envahissent soudainement, Halloween a un goût particulier. Si les trois cent soixante-quatre autres jours de l’année sont plutôt calmes, la nuit du trente-et-un octobre est plutôt agitée.

Mais n’allez pas croire que cette effervescence est causée par les enfants qui, sous l’apparence de monstres et autres créatures étranges, réclament des bonbons en frappant aux portes du voisinage. Ni par les adolescents qui frémissent devant un bon film d’horreur, regardé jusque tard dans la nuit. Ni même à cause de quelques courageux qui, pour relever un défi insensé, s’aventurent dans l’obscurité du cimetière pour s’y raconter les légendes les plus terrifiantes.

Non. La nuit d’Halloween est bien plus particulière. Car à la nuit tombée, lorsque sonnent les douze coups de minuit et que les enfants sont endormis, squelettes, fantômes et autres sorcières prennent vie. Les arbres aux feuilles tombantes se dénudent complètement tandis que leurs troncs noircissent sous la mort qui les enveloppe. Le sol disparaît sous la fine brume qui se répand lentement dans la ville.

Alors que la Lune se dresse haut dans le ciel, des créatures mi-hommes mi-chiens quittent leur tanière, hurlant à la nuit pour rassembler leurs congénères. Discrètement, émergent de sous la terre, des vampires aux lèvres retroussées, laissant apparaître des canines d’une blancheur aveuglante. Les yeux rouges et affamés, ils observent ces jeunes insouciants, se délectant de l’odeur de leur sang.

Les rues commencent à se remplir peu à peu de créatures toutes aussi étranges et terrifiantes les unes que les autres. Toutes se rassemblent sur la grande place de la ville, se retrouvant après ces douze mois de sommeil et d’attente. Au milieu, trône un gigantesque chaudron noir en fonte dans lequel bout un curieux liquide vert et visqueux. Des bulles s’en échappent, si épaisses qu’elles disparaissent dans les airs.

Parmi la foule, se tient Skat, sans doute le squelette le plus connu de la ville. Son chapeau haut-de-forme et sa redingote lui donnent l’allure d’un gentleman anglais. Il discute avec Loke, un autre squelette dont le crâne a été remplacé par une citrouille au visage creusé pour lui donner un air effrayant.

Soudain, un homme dans une drôle de tenue ressemblant à un tablier de scientifique, se fraie un chemin jusqu’au chaudron. Il tient sa tête dans une main, saluant les convives de l’autre. C’est le Maire de l’Outre-Monde. Il grimpe sur l’estrade, posant sa tête sur le pupitre à ses côtés. Ses cheveux en pétard et ses lunettes d’aviateurs posées sur son crâne, il sourit à son public. Son discours de bienvenue est aussi bancal que sa démarche. Mais il ne tient pas son audience en haleine plus longtemps car les festivités sont sur le point de commencer.

Les nombreux invités se pressent jusqu’au chaudron pour goûter la célèbre potion de Possée, la sorcière au nez crochu et aux longs cheveux gris et filasses. Malgré son aspect rebutant, Possée est une gentille sorcière. Elle ne dévore généralement que les orteils des enfants qui n’ont pas été sages durant l’année écoulée – bien évidemment, ceci n’est qu’une des nombreuses histoires racontées aux enfants pour les effrayer. Sa potion, cependant, reste un mystère. Malgré les siècles, Possée a toujours refusé d’en dévoiler ses ingrédients, même à Skat et son charme légendaire.

La fête bat son plein. Au buffet, le sang coule à flot et certains vampires ont du mal à rester debout. Il faut dire qu’après une année à dormir, ils sont affamés. Une momie essaie désespérément de récupérer ses bandes, volées par des enfants zombies qui filent se cacher dans le cimetière, tandis que des loups-garous s’affrontent dans un combat sanglant dont personne ne semble se soucier, à l’exception de leurs meutes respectives, installées sur des gradins de fortunes pour les encourager.

Pendant ce temps, Skat et Loke bavardent tranquillement, installés dans un coin. De temps en temps, Skat fait un clin d’œil à une sorcière passant par là. Sans doute l’une de ses nombreuses amantes. Les deux amis profitent de cet instant pour parler du bon temps, riant devant la folie qui a envahi les lieux.

Mais déjà la nuit s’éteint pour laisser place à un soleil dont les rayons de l’automne pointent à l’horizon. Les arbres se revêtent de leurs feuilles aux couleurs rouge et orange, les troncs reprennent vie à nouveau. La brume disparaît sous le ciel qui se couvre de traînées roses et blanches, signe que le jour pointe son nez.

Il est temps pour les créatures d’Halloween de quitter le monde des vivants. Les loups-garous retrouvent leurs tanières, les vampires s’enfuient jusqu’au cimetière. Les sorcières s’envolent au loin et Skat, Loke et tous leurs amis s’en retournent à leur demeure.

Nous sommes le premier novembre et les habitants de la ville se réveillent dans l’ignorance totale des événements passés. Tous sauf un petit garçon qui, curieux et réveillé par un étrange bruit, avait vu Skat et ses amis avancer dans la rue. Du regard, il les avait suivis jusqu’à ce qu’ils disparaissent dans la nuit.

[Image mise en avant : Canva]

[Texte alternatif de l’image mise en avant :
Dessin d’une nuit de pleine lune et d’une sorcière accompagnée d’une chauve-souris volant dans la nuit]

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Les 100 livres à lire une fois dans sa vie

Il y a quelques années, la BBC a publié une liste des 100 livres à lire avant de mourir. Cette liste, composée de six personnes (critiques ou auteurices) a été établie dans le cadre de la célébration de la littérature.

Du coup, j’ai repris la liste publiée sur le blog de Sir This and Lady That. En ce qui me concerne, au moment de publier cet article pour la première fois (le 24/10/2022), j’en ai lus 24 (en vert dans la liste). Ca va, je suis plutôt satisfaite. En bleu, j’ai indiqué les livres présents dans ma PAL. Ils sont pas nombreux mais je sais pas encore quand je vais les lire ^^

Et toi ?
N’hésite pas à jeter un œil à la liste ci-dessous si tu veux (re)découvrir de nouvelles lectures !

  1. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur – Harper Lee
  2. Orgueil et préjugés – Jane Austen
  3. Le journal d’Anne Frank
  4. 1984 – George Orwell
  5. Harry Potter à l’école des sorciers – JK Rowling 
  6. Le Seigneur des Anneaux (intégrale) – JRR Tolkien
  7. Gatsby le Magnifique – Francis Scott Fitzgerald
  8. La Toile de Charlotte – EB White
  9. Le Hobbit – JRR Tolkien 
  10. Les Quatre Filles du docteur March – Louisa May Alcott
  11. Fahrenheit 451 – Ray Bradbury
  12. Jane Eyre – Charlotte Brontë
  13. Autant en emporte le vent – Margarett Mitchell
  14. La ferme des animaux – George Orwell
  15. L’attrape-cœurs – JD Salinger
  16. Les aventures de Huckleberry Finn – Mark Twain
  17. La couleur des sentiments – Kathryn Stockett
  18. Les raisins de la colère – John Steinbeck
  19. The Hunger Games tome 1 – Suzanne Collins
  20. La voleuse de Livres – Markus Zusak
  21. Les cerfs-volants de Kaboul – Khaleb Hosseini
  22. Sa majesté des mouches – William Golding
  23. La nuit – Elie Wiesel
  24. Hamlet – William Shakespeare
  25. Un raccourci dans le temps – Madeleine l’Engle
  26. Le conte de deux cités – Charles Dickens
  27. Le guide du voyageur galactique – Douglas Adams
  28. Un chant de Noël – Charles Dickens
  29. Des souris et des hommes – John Steinbeck
  30. Le meilleur des mondes – Aldous Huxley
  31. Le Jardin secret – Frances H. Burnett
  32. Roméo et Juliette – William Shakespeare
  33. La servante écarlate – Margaret Atwood
  34. Le bord du monde – Shil Silvestein
  35. Le petit prince – Antoine de Saint-Exupéry
  36. Anne La maison aux pignons verts – Lucy Maud Montgomery
  37. Le passeur – Lois Lowry
  38. Les Hauts de Hurlevent – Emily Brontë
  39. Macbeth – William Shakespeare
  40. Les Aventures de Tom Sawyer – Mark Twain
  41. Le conte de Monte-Cristo – Alexandre Dumas
  42. La Bible
  43. Frankenstein – Mary Shelley
  44. Nos étoiles contraires – John Green
  45. Les hommes qui n’aimaient pas les femmes – Stieg Larsson
  46. A l’est d’Eden – John Steinbeck
  47. De sang-froid – Truman Capote
  48. Harry Potter et les Reliques de la Mort – JK Rowling
  49. Le lys de Brooklyn – Betty Smith
  50. La couleur pourpre – Alice Walker
  51. Catch 22 – Joseph Heller
  52. Le fléau – Stephen King
  53. Les Garennes de Watership Down – Richard George Adams
  54. La stratégie Ender – Orson Scott Card
  55. Les aventures d’Alice au pays des merveilles – Lewis Carroll
  56. Anna Karénine – Léon Tolstoï
  57. Les Aventures de Sherlock Holmes – Arthur Conan Doyle 
  58. Geisha – Arthur Golden
  59. Rebecca – Daphne du Maurier
  60. Le vieil homme et la mer – Ernest Hemingway
  61. Princess Bride – William Goldman
  62. Les grandes espérances – Charles Dickens
  63. Game of thrones – George RR Martin
  64. Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban – JK Rowling
  65. L’histoire de Pi – Yann Martel
  66. Les piliers de la Terre – Ken Follett
  67. Charlie et la chocolaterie – Roald Dahl
  68. La lettre écarlate – Nathaniel Hawthorne
  69. Les misérables – Victor Hugo
  70. Dracula – Bram Stoker
  71. Hunger Games: l’Embrasement – Suzanne Collins
  72. Le corbeau – Edgar Allan Poe
  73. Le secret des abeilles – Sue Monk Kidd
  74. De l’eau pour les éléphants – Sara Gruen
  75. Harry Potter et le Prince de sang-mêlé – JK Rowling
  76. La Terre chinoise – Pearl Buck
  77. Cent ans de solitude – Gabriel Garcia Marquez
  78. Les yeux dans les arbres – Barbara Kingsolver
  79. Le temps n’est rien – Audrey Niffenegger
  80. Une prière pour Owen – John Irving
  81. La vie Immortelle d’Henrietta Lacks – Rebecca Skloot
  82. Ils étaient dix – Agatha Christie
  83. Les oiseaux se cachent pour mourir – Colleen McCullough
  84. Le château de verre – Jeannette Walls
  85. A propos de courage – Tim O’Brien
  86. La route – Cormac McCarthy
  87. L’Odyssée – Homère
  88. Hunger Games: La révolte – Suzanne Collins
  89. Beloved – Toni Morrison
  90. Les frères Karamazov – Fiodor Dostoïevski
  91. Siddhartha – Hermann Hess
  92. Sourde, muette, aveugle: histoire de ma vie – Helen Keller
  93. Le chardon et le Tartan – Diana Gabaldon
  94. Les apparences – Gillian Flynn
  95. The Phantom Tollbooth – Norton Juster
  96. Tess d’Uberville – Thomas Hardy
  97. Birdsong – Sebastian Faulks
  98. Guerre et Paix – Leon Tolstoï

[Image mise en avant :
Canva]

Le vieillard et le banc

Il y avait ce vieil homme, assis sur un banc. Je le voyais tous les jours car chaque matin, j’allais courir dans le parc à côté de chez moi. Enfin, courir était un bien grand mot, je passais surtout plus de temps à marcher. Mais l’air frais du matin me faisait du bien. Enfermée toute la journée dans mon petit appartement, occupée à travailler sur mon roman, ou pour l’un ou l’autre client, mes promenades matinales étaient synonyme d’évasion pour moi. Bref. Revenons-en à cet homme et son banc. Blanc (le banc, pas le vieillard dont la peau du visage était néanmoins parsemée de taches de vieillesse foncées et de rides profondes, symboles de son âge avancé), il trônait fièrement au bord du parc. 

Ainsi, chaque jour, le vieil homme se posait là, sur ce banc. Deux fois par jour. Je le croisais le matin et le soir, ayant vue sur le parc depuis la fenêtre de mon salon, je l’apercevait au même endroit, les yeux rivés sur le cimetière qui lui faisait face. Il restait assis sur le bois, une heure durant. Il ne bougeait pas mais semblait entretenir une conversation silencieuse avec ses pensées car parfois, un sourire paisible s’esquissait sur son visage. L’évocation de vieux souvenirs, sans doute. Il arrivait qu’un rire franc résonne également, j’imagine lorsqu’il se remémorait un événement particulièrement amusant. Il avait l’air heureux dans ces moments-là. Puis son sourire s’effaçait et un voile de tristesse (ou de lassitude, peut-être ?) lui recouvrait le visage. 

Ce banc, curieusement, était toujours déserté lorsque le vieil homme n’y était pas installé. L’on aurait pu croire qu’une pancarte invisible marquée « RÉSERVÉ » siégeait silencieusement sur le bois blanc. Les passants l’évitaient soigneusement, comme s’il appartenait au vieil homme qui chaque jour venait et s’y posait. Cela faisait six ans maintenant qu’il suivait ce même rituel. Peu importait qu’il pleuve, vente ou neige, qu’il fasse chaud ou froid. Chaque jour, il était là. Vêtu d’un costume composé d’une chemise, un pantalon et une veste, une cravate lui serrait le cou et des chaussures de ville étaient devenues bien trop usées pour encore tenir quelques années. Mais le vieillard ne semblait guère s’en soucier. Lorsque les températures baissaient, une écharpe et un bonnet venaient compléter sa tenue, de même qu’un manteau long et des gants en laine.

Je passais tout le temps derrière lui mais un jour, je pris une décision qui allait radicalement changer ma vie. J’allai m’asseoir à ses côtés. Discrètement, je pris place sur le banc au bois si froid que j’en tremblai légèrement. Nous étions en automne. Un tapis de feuilles aux couleurs jaune, orange et rouge, s’étendait sous nos pieds. Je frottai vigoureusement mes mains dont les gants ne recouvraient pas la doigts mais ne dis rien. 

Au début, il ne me parla pas non plus. Il se contenta de me sourire pour me saluer avant de se tourner à nouveau vers le cimetière. Mais en aucun cas, je ne sentis que ma présence le dérangeait. Bien au contraire, j’avais l’impression qu’il appréciait cette compagnie, aussi silencieuse fut-elle. Alors je revins le lendemain, et le surlendemain. Nous restâmes assis là, dans le silence et le froid qui se montrait chaque jour un peu plus intense. A mesure que les semaines avançaient, le vieil homme se mit à me demander comment j’allais avant de retourner à sa conversation intérieure. D’agréables conversations naquirent au fil du temps. Nous abordions tout et n’importe quoi, de la météo au dernier fait divers qui frappait la petite ville voisine, en passant par ce roman que j’avais laissé en suspens. 

Un jour, cependant, alors qu’il lisait son journal, je pris le temps de bien l’observer. Je distinguai un trou dans sa veste de costume, sous son manteau. Un manteau abîmé, qui ne semblait même plus empêcher la pluie de s’engouffrer en-dessous. Les taches de vieillesse qui arboraient son visage apparaissaient également sur ses mains. Des mains calleuses, aux doigts longs et fins. Cet homme, aujourd’hui si frêle, avait dû être robuste autrefois. Habitué aux hivers rudes et au travail dur, je suppose. Il ne devait pas avoir beaucoup d’argent, aussi lui proposai-je chaque fois un café qu’il refusait poliment. Je jaugeais cet homme dont j’ignorais tout de la vie mais une simple phrase de sa part me fit réaliser à quel point la solitude devait le peser. 

Je lui avais demandé s’il n’avait besoin de rien. Étrangement cet homme était devenu comme un grand-père pour moi, un repère dans la confusion qu’était ma vie, une source d’inspiration — non pas pour un roman mais pour trouver le bon chemin sur lequel avancer. Lui qui voyait le positif partout, ne se plaignait jamais (en tout cas, pas devant moi), m’avait alors répondu : « Je veux la paix car peu importe où tu te trouves dans ce monde, tu ne seras jamais chez toi. »

Ces rencontres matinales devinrent mon quotidien, un quotidien auquel je n’aurais échappé pour rien au monde, allant jusqu’à refuser des rendez-vous importants pour être avec ce vieil homme. Mais j’avais dû m’absenter deux semaines durant pour le travail et lorsque je revins, il n’était pas encore présent. Je m’assis sur notre banc et j’attendis jusqu’à ce que mon café soit aussi froid que les derniers jours de l’hiver. J’attendis le lendemain également, et le surlendemain aussi. Mais il ne revint plus. 

J’appris plus tard que le vieil homme était décédé dans un sommeil paisible. Un voisin me révéla qu’il était parti rejoindre sa défunte épouse, aux côtés de laquelle il reposait, dans le cimetière qui faisait face au parc. A présent, c’était mon tour de prendre place sur ce banc blanc. Je racontais alors mes journées à cet ami qui m’avait tant apporté et il fut le premier à découvrir ce roman abandonné que j’avais fini par publier.

[Note de moi-même :
La phrase prononcée par le vieil homme est une phrase que mon grand-père maternel m’a dite la dernière fois que je l’ai vu. Elle m’a marquée tout comme lui a marqué ma vie – il en est de même pour chacun de mes grands-parents d’ailleurs. Je tenais à l’ajouter à ce texte dont le vieillard est largement inspiré de ce grand-père auquel je tenais à rendre hommage.]

La solitude de la nuit

La femme ne bougeait pas. Agenouillée sur son socle de pierre, elle écoutait le brouhaha des touristes qui défilaient par centaines sur la grande place où elle trônait. Les mains posées délicatement sur les genoux, la tête penchée légèrement vers le bas, son visage aux traits lisses affichait un sourire chaleureux. Elle gardait les yeux fermés, sans doute pour mieux entendre ces voix qui s’élevaient dans les airs, telles des bulles qu’aurait soufflées un enfant pour s’amuser. Elle était vêtue d’une longue robe qui lui couvrait les épaules et descendait jusqu’à ses chevilles, une longue tresse épaisse parcourait son dos. 

La femme ne bougeait pas. Mais elle entendait. Elle percevait chaque son, chaque mot, chaque murmure et les capturait en elle, les laissait la pénétrer. La place autour d’elle était aussi bruyante que le marché du dimanche matin. Hommes, femmes et enfants de tous les âges circulaient, se croisaient, bavardaient et s’arrêtaient à sa hauteur pour prendre l’une ou l’autre photo à ses côtés. 

La femme ne bougeait pas. Elle semblait comme figée dans le temps tandis qu’autour d’elle, la foule s’animait continuellement. Elle pouvait bénéficier d’un peu de répit lorsque la nuit tombait et que les touristes allaient se coucher. Seuls restaient quelques badauds qui profitaient du calme au clair de lune. Mais leur présence n’était bien souvent que de courte durée car une fois leurs derniers verres vidés, la dernière tournée payée, les portes se fermaient et les volaient se baissaient.

Nul ne savait depuis combien de temps elle se trouvait là sur ce socle de pierre, au milieu de cette grande place. L’on disait qu’elle avait été découverte à l’époque des grands explorateurs, lors d’une expédition au cours de laquelle deux hommes s’étaient perdus tandis qu’ils venaient de traverser mers et océans pour atteindre la limite du monde. Ils l’avaient remarquée sur une petite île, isolée de toute civilisation. Subjugués par sa beauté, ils avaient décidé de la ramener, désireux qu’ils étaient de la montrer à leur Roi, leur peuple, l’humanité. 

Bientôt, la femme se retrouva seule. Mais elle ne bougeait toujours pas. Dans cette obscurité, seuls les rayons de la Lune lui procuraient un peu de clarté. Et l’on pouvait encore distinguer les courbes délicates de cette silhouette de pierre, aussi sombre qu’un ciel d’orage et aussi solide qu’une montagne. Là, dans la nuit, elle subissait les âges, la neige, la pluie et les tempêtes, la chaleur et l’humidité. Sans jamais broncher. Et jamais personne ne se souciait de cette solitude dans laquelle elle se tenait. Jamais personn ne voyait la larme qui, chaque jour, roulait le long de sa joue, suivie d’une autre, et puis d’une autre encore. 

La femme ne bougeait pas. Et jusqu’à la fin des temps, elle restera là, agenouillée sur son socle en pierre, au milieu de cette grande place. 

[Image mise en avant : Canva]

[Texte alternatif de l’image mise en avant :
Image d’une pleine Lune au milieu d’un ciel de nuit]

Nevernight – 1. N’oublie jamais (J. Kristoff)

C’est suite à un échange sur Twitter que je me suis laissée tenter par ce premier tome de la trilogie The Nevernight Chronicles de Jay Kristoff.

Dès les premières pages, dès les premiers mots (« Les gens se chient souvent dessus lorsqu’ils trépassent »), j’ai accroché à ce roman dont je ne réussissais à décoller mes yeux qu’à cause de la fatigue ou de la flemme.

La plume est tranchante, directe, et pourtant parfois poétique. Les descriptions sont claires, sans trop de détails, et permettent vraiment de bien s’imaginer l’univers. En revanche, certains termes ne sont pas expliqués tout de suite. C’est un peu dommage mais ça n’empêche pas la bonne compréhension.

Et puis, il y a la couverture. Déjà, la version brochée, elle est top. Elle colle parfaitement à l’histoire et à l’univers sombre qui se cache derrière. Mais la version reliée… Elle est CANON ! J’veux rien savoir. Bon, je l’ai lu sur liseuse mais je sens que la trilogie rejoindra bientôt ma bibliothèque.

Au cours de ma lecture, j’ai rencontré la Mia petite fille. A dix ans, elle assiste à la pendaison de son père, accusé de trahison, et à l’arrestation de sa mère et son petit frère emmenés à la Pierre philosophale (et non, c’est pas une petite pierre qui te donne la vie éternelle). Elle échappe à une mort certaine grâce à un ombrechat. Et devient la Mia jeune femme dont on suit l’histoire. Une Mia pleine de rancune et de colère, bien décidée à venger sa famille. Une Mia capable de maîtriser les ombres.

Et pour atteindre son objectif, Mia va intégrer l’Eglise Rouge, Notre-Dame du Saint-Meurtre, afin de devenir une Lame. Les Lames, ce sont des assassins qui œuvrent dans l’ombre. Mais pour y arriver, elle devra suivre les cours enseignés par des Shahiids, des profs passés maîtres dans leur art spécifique. Et là, elle va en baver sévère. Parce qu’entre les disciples qui sont en concurrence les uns avec les autres (ben oui, y a pas la place pour tout le monde, t’as cru quoi ?), les cours tous plus dangereux que difficiles (sérieux, le premier cours de Tueuse-d’Araignées, là… j’en dirai pas plus). Clairement, Mia, elle va morfler. Mais c’est pour une bonne raison, non ?

Le livre est divisé en trois parties, la première mettant en place le personnage de Mia. Ce que j’ai beaucoup aimé, ce sont les flashbacks nous plongeant dans son passé, découvrant pourquoi Mia est devenue la Mia d’aujourd’hui. L’histoire se construit autour de ses souvenirs, formant le fil rouge de l’histoire.

L’univers de Nevernight est vaste. Genre, très vaste. Et très travaillé. Ce que j’ai vraiment apprécié, ce sont les notes de bas de page qui donnent plus de détails sur les personnages, les villes, l’histoire, le fonctionnement du temps, etc. Finalement, ce n’est pas plus mal car ça évite d’alourdir le récit tout en partageant avec lae lecteurice des précisions sur cet univers riche. Autre avantage : on est pas obligé de les lire, ces notes. Mais parfois, ça peut aider.

La place de la peur dans l’histoire est très intéressante. J’ai beaucoup aimé la manière dont est exploitée la peur qui anime Mia, qui vit en elle. Cette peur, elle est finalement liée à son don et la manière dont elle la gère, comment elle la paralyse et son origine.

Les personnages sont plutôt bien travaillés, en particulier Mia. L’auteur a su créer un personnage complexe, avec un passé difficile. Mia a dû grandir très vite et affronter toutes sortes d’épreuves et d’obstacles, risquant sa vie de nombreuses fois. Je me suis rapidement attachée à Mia et les flashbacks m’ont permis de découvrir son histoire et pourquoi elle est comme elle est.

Et son ombrechat ! Je dois te parler de lui. Mais pas trop parce que sinon je vais spoiler. Bref. Son ombrechat, c’est un chat fait d’ombres qui l’accompagne et l’aide dans sa quête. C’est son ami, son confident, son protecteur. Et c’est tout ce que je te dirai à son sujet.

D’ailleurs, c’est tout ce que je dirai sur ce premier tome.

Ma note : 4,1/5

Le labyrinthe du Diable

Le froid. C’est la première chose que j’ai remarquée. Glacial, il me paralysait. Ce froid était partout autour de moi. Je le sentais sur ma peau, la transperçant. J’avais l’impression qu’elle pouvait se fissurer au moindre mouvement. Ensuite vint le sol. Un sol en pierres, dur et lisse. J’avais des courbatures et le froid semblait me maintenir collée à ce sol. Je n’osais pas bouger. Ma peau allait-elle s’arracher si j’essayais de me lever ? Enfin, je réalisai pourquoi j’avais si froid ; pourquoi je sentais la pierre aussi précisément sous ma peau : j’étais vêtue d’un simple débardeur et d’un mini short de sport. Où étaient passés mes vêtements ?

 Lentement, je remuai mes orteils et mes doigts. Je répétai ces mouvements jusqu’à ce que je sente à nouveau un peu de chaleur circuler dans mon corps. Je ne pouvais pas rester là. Je devais sortir d’ici. Mais où était « ici » ? Et depuis combien de temps y étais-je ?

 Je posai une main sur le sol. Puis une autre. Mes muscles étaient tellement courbaturés que je sentais des craquements dans mes bras. Je me redressai et ramenai mes jambes vers moi pour me réchauffer. C’est alors que j’ouvris les yeux. Je fus surprise par l’obscurité de la pièce dans laquelle je me trouvais. La tête me tournait et j’avais la nausée. J’essayai de parler, d’appeler à l’aide, mais ma gorge sèche m’en empêchait. Je clignai des yeux plusieurs fois, le temps de m’habituer à cette noirceur qui rendait mon supplice encore plus terrifiant.

 Un maigre rayon de lumière filtrait à travers un trou dans le mur sur ma droite. J’eus alors une idée de la pièce dans laquelle je me trouvais. À peine plus grande qu’un placard, les murs étaient couverts des mêmes pierres qui jonchaient le sol. La fine lueur traversait ma cage pour aller se poser sur une porte noire en bois. Elle était entrouverte. Était-ce ma porte de sortie ou était-ce un piège ?

 Lorsque mon corps eut retrouvé ses sensations et que j’eus regagné un peu de force, je me levai. Je manquai trébucher sur des pierres qui sortaient du sol. Je me dirigeai d’abord vers la fente dans le mur. Elle ressemblait étrangement à une meurtrière, comme celles que l’on trouvait dans d’anciennes fortifications. Je tentai de regarder à travers, mais je ne voyais rien d’autre que l’intense lumière blanche du Soleil, sans doute la seule source de luminosité dans cette prison obscure.

 Désemparée, je compris que je n’avais plus le choix. Je devais quitter cette pièce. J’étais terrifiée à l’idée de ce qui m’attendait de l’autre côté, mais je m’enfonçai dans les ténèbres. J’avançai dans ce dédale de pierres, dans un froid toujours aussi glacial. La soif me tiraillait. Des ombres dansaient sur les murs autour de moi. Je commençais à délirer.

 J’ignorais où j’allais. Mes pieds avançaient d’eux-mêmes, suivant un chemin invisible. Mon cerveau ne semblait plus vouloir réagir. J’avançais avec l’impression d’être dans un labyrinthe sans fin. Un cri retentit soudain au loin, suivi d’un rire qui me glaça le sang. J’étais pétrifiée. Je regardai autour de moi, mais ne vis que murs et pierres. Aucune pièce où me réfugier.

 Un nouveau cri, un nouveau rire. Mes pieds refusaient de continuer. Je ne pouvais plus faire marche arrière. Je devais aller de l’avant. Je continuai alors dans ce labyrinthe infini quand je vis apparaître une lueur étrange devant moi. Elle était rouge et une chaleur inquiétante en émanait. Elle m’appelait à elle et mon corps semblait ne pouvoir résister.

 Un pied après l’autre, je m’approchai de cette lumière aveuglante. Le rire était de plus en plus fort, de plus en plus proche. Terrifiée, je plongeai alors dans ces flammes qui m’attirèrent violemment à elles. Une silhouette se dessina parmi ces teintes orange et rouge flamboyantes. Elle tendit vers moi une main que je saisis d’une main tremblante et telle une amie de longue date, elle me guida vers un destin inconnu.

[Image mise en avant : Cherry Laithang]

[Texte alternatif de l’image mise en avant :
Un bras éclairé, au centre d’un fond complètement noir]